Au revoir, Pacôme

Le dimanche 10 mars 2019 était à souligner dans les livres. Discrètement, sans tambour ni trompette, Pacôme est descendu de son piédestal pour laisser la place à l’avenir. Ce billet est un tribut à l’Histoire qui passe sur les villages en ayant quelquefois le pied bien pesant.

J’ai grandi dans la religion catholique. Je l’ai pratiquée avec une ferveur effacée, mais sincère. J’ai été séduite par le discours des évangiles et j’ai voulu de tout mon cœur connaître ce monde d’amour, de compassion et d’égalité que décrivait Jésus.

Après, j’ai grandi et j’ai compris que si le Message reste réconfortant, ceux qui le portent, tout comme ceux qui le reçoivent, restent bien impuissants à le mettre en pratique. J’ai découvert les horreurs que l’Homme sait commettre quand il est un loup pour l’Homme. J’ai entendu témoigner des victimes de toutes les atrocités possibles, de la guerre à la pédophilie, de l’esclavage à la torture, de la manipulation à l’avidité la plus abjecte.

Et puis j’ai appris que les religions sont diverses et que, si les manières changent, le fond reste le même : aimons-nous donc les uns les autres, saperlipopette! Je me suis donc détachée des rites, mais j’ai conservé le Message au fond de moi, comme la célèbre lampe allumée de l’évangile.

On a dû être nombreux à penser pareil, parce que depuis que j’ai grandi, la spiritualité s’est individualisée, les philosophies se sont multipliées et les églises se sont vidées. Au point qu’au XXIe siècle, la question est brûlante : qu’est-ce qu’on fait avec ces bâtiments immenses, impossibles à chauffer, et surtout désertés 50 dimanches sur 52?

La réponse dépend de chaque village.

À Saint-Pacôme, le Bon Dieu s’est fait jardinier, si j’ose dire. Une entreprise novatrice a offert de prendre en charge l’entretien et la préservation de l’église. En contrepartie, le bâtiment doit être transformé et des légumes biologiques pousseront désormais dans la nef. C’est un projet qui soulève l’enthousiasme, écologique, nourricier, et qui de surcroît comporte un volet communautaire. Nous avons de la chance.

Mais ceux qui restent ont le cœur gros. Ces paroissiens fidèles, attachés à leur communauté et au clocher qui la symbolise encore à leurs yeux, souffrent dans leur chair de voir les marchands envahir le temple. Leur douleur est réelle; elle est déchirante et mérite qu’on la traite avec douceur.

Aujourd’hui, j’ai assisté aux vêpres à Saint-Pacôme. Les toutes dernières avant le début des travaux qui changeront à tout jamais le cœur de cet édifice. J’ai entendu les fidèles chanter, le cœur serré et les larmes au bord des paupières. J’ai vu leur stoïcisme. J’ai vu aussi leur résignation – ce n’est pas parce qu’on est triste qu’on ne comprend pas les nécessités du temps qui passe. J’ai vu leur détermination à se considérer désormais comme les pierres qui soutiendront l’édifice de leur foi, peu importe où celui-ci s’incarnera désormais.

Quand saint Pacôme s’est laissé glisser hors de sa niche dans les bras de deux fils du village, le temps s’est arrêté un tout petit peu.

Aux endeuillés de cette paroisse, j’offre ma compassion et je souhaite la sérénité et la paix. Je souhaite aussi que malgré la fin d’une époque où les ors et les statues témoignaient de notre foi, nous sachions nous souvenir que le Message, lui, n’a pas changé.

Reste maintenant à le mettre en pratique.

Éliane Vincent, Saint-Pacôme, Le blogue citoyen du Bas-du-Fleuve